le port de Valence se rêve en mini Silicon Valley

Non loin des grues et des tankers du port commercial, de jeunes entrepreneurs investissent le quartier de la Marina et surfent sur l’attractivité économique de la ville.

Depuis la mer, le port de Valence a deux visages. À droite, une plage de sable doré, ponctuée de restaurants et d’une promenade, façon Deauville. À gauche, un port industriel, ses grues, ses conteneurs et ses entrepôts, façon Dunkerque. Et entre les deux, des bâtiments modernes abritent les rêves d’entrepreneurs qui aspirent à faire du quartier un nouveau cœur technologique, une mini Silicon Valley à la sauce espagnole.

« Entrez, entrez, vous êtes les bienvenus », s’exclame chaleureusement l’hôtesse d’accueil, les cheveux plaqués en chignon et un petit foulard vert autour du cou. Devant le Veles e Vents, un bâtiment tout blanc évoquant une tour de contrôle d’un film de science fiction, la jeune femme consigne les arrivées sur sa feuille. Cet ancien pavillon construit pour l’America’s cup en 2007 a été transformé en un centre d’événements. Comme beaucoup de bâtiments de la Marina. 

Ce jour-là, le salon du Sage Factura Show réunit des professionnels autour des changements juridiques des entreprises. À l’entrée du bâtiment, un panneau indique « enregistrement et zone de réseautage ». Dès l’entrée, le ton est donné : on y vient pour faire des rencontres, pourquoi pas des affaires, et tout est pensé pour favoriser les échanges. Stands de présentation, prospectus à disposition, cartes de visite prêtes à être dégainées. Un serveur, chemise blanche et costume noir, distribue jus de fruits, café et petits gâteaux à qui veut. Ici, on parle stratégie et transformation digitale, dans un cadre agréable. 

Olena Dzubenko est Ukrainienne. Elle est ici pour son entreprise d’import-export mais surtout pour « rencontrer du monde ». « Je suis arrivée à Valence il y a seulement trois mois, explique-t-elle. J’ai l’impression qu’il y a beaucoup de propositions, d’opportunités, alors j’en profite. » Elle sourit, avant de rejoindre avec empressement la première conférence de la matinée.

Entrepreneuriat et innovation. Le quartier de la Marina se veut en pointe. Juste en face du Veles e Vents se tient un forum sur les initiatives pour décarboner la Méditerranée. Un sujet crucial, alors que Valence affiche un objectif de neutralité climatique d’ici 2030. Et cela se passe dans l’ancienne gare maritime, entièrement rénovée.

La Marina, un lieu animé

Dès la fin d’après-midi, le lieu se transforme. Fini les costumes et tailleurs, place aux robes de soirées et talons hauts. Le Terminal Hub devient un bar lounge. Un groupe de musique, guitare et batterie à l’unisson, joue Los Tontos de Tangana. Tout autour, des rires et des conversations se mêlent. Un jeune couple entre pour commander. Mais la femme, élégante dans sa robe mauve, et l’homme, décontracté mais chic en mocassins, sont arrêtés par une serveuse : « Aujourd’hui, nous accueillons un mariage, un enterrement de vie de jeune fille et un anniversaire, alors vous comprenez, on n’accepte plus personne ! »

À l’intérieur, il ne reste plus une place de libre. Les tables sont dressées avec soin, et une dizaine de serveurs s’affaire entre les invités. Un groupe de femmes, en talons aiguilles, se mêle à la foule agglutinée autour du buffet. Ils se retrouvent les uns les autres et s’enlacent en souriant. Un simple coup d’œil à la carte des boissons suffit à comprendre l’ambiance du lieu : ici on peut commander un Terminal boost, cocktail banane fraise et açai ; un Innovator, Banane cajou cannelle et lait ; ou encore un Marina Crunch, açai cacahuètes émulsion de lait.

L’innovation au cœur du quartier

Monica Munoz arrive à vélo et saisit son sac à main dans le panier avant. La jeune femme travaille pour un incubateur de start-up dont les locaux jouxtent la mer. Pour elle, il y a vraiment eu un avant après America’s cup. « C’est cet événement sportif d’ampleur qui a tout changé. Avant, quand j’étais adolescente, je ne venais jamais ici. Il n’y avait pas de raison de venir, il n’y avait rien. Maintenant, c’est différent », explique-t-elle en pointant du doigt tous les bâtiments rénovés et désormais occupés par de jeunes entreprises, spécialisées en Intelligence Artificielle, cybersécurité, ou data science.

Monica entre dans le bâtiment. Elle salue la secrétaire, avant de monter dans l’ascenseur et d’appuyer sur le bouton du cinquième étage. « Je vous emmène sur le rooftop. Oh, c’est moins moderne qu’au Terminal Hub, mais ça a son charme ! », dit-elle fièrement, avant d’ouvrir la porte. La vue est splendide : un panorama dégagé sur la Marina. En plein déjeuner, les équipes sont confortablement installées sur les tables et fauteuils à bascule en osier. Tandis que certains dégustent leur plateau-repas, d’autres profitent d’un café latte.

Monica observe le paysage. Quelque chose la chiffonne. Au-delà des voiliers et bâtiments rénovés, on aperçoit, au loin, les porte-conteneurs qui patientent en mer avant de pouvoir décharger leurs cargaisons dans le port commercial. Les grues et hangars dénotent avec la Marina aménagée. « C’est incohérent de mélanger ces deux mondes, anciens et modernes, comme ça ! » Elle raconte, avec les mains toujours agitées. « Il n’y a pas si longtemps, certains envisageaient le transfert d’une partie des trafics du port industriel vers le port de Sagunto, au nord de Valence, pour désengorger la ville. Finalement, le projet a été abandonné. C’est dommage ! » Au contraire, un projet d’agrandissement du port d’1,6 milliard d’euros est prévu. Il consiste en la construction d’un quatrième terminal à conteneur entièrement électrifié.

Le port, lieu d’opportunités technologiques

Chez Open Top, justement, on essaie de jeter des ponts entre les jeunes entreprises et les docks. Pas question d’opposer les deux mondes mais de les faire travailler ensemble. La start-up est spécialisée dans les solutions innovantes à destination du port commercial. « Ici, on voit Valence comme le port du futur, digital et propre », indique son directeur et fondateur Jorge Marcos Martínez, le regard déterminé.

Le directeur d’Open Top, Jorge Marcos Martinez (à droite) et Helena Ortiz Gil (à gauche), la responsable des relations avec les écosystèmes, devant le port commercial de Valence. © Marie-Flamine Lavergne / Reportierra.

Vêtu d’une chemise bleue et d’un jean, l’homme parcourt rapidement ses locaux. En tout, trois salles. « En même temps, pour l’instant nous ne sommes que quatre à travailler à plein temps ici », précise-t-il. Puis, il continue. « Vous savez, il y a plus de 20 000 métiers dans le port : c’est un véritable terrain de jeu, une guerre tous les jours ! » Depuis plus de 3 ans, l’entreprise a accompagné douze startups innovantes du secteur. Il précise : « l’une des entreprises que nous avons accompagnées s’appelle MS logistics. Elle a permis d’optimiser la logistique des terminaux dans la localisation des conteneurs. Cela limite l’énergie et le temps dépensé. »

L’entreprise 1407, spécialisée dans le transport et la logistique portuaire, dirigée par Mathew Paul, fait également partie de leurs clients. Franco-britannique, Mathew a choisi de s’installer à Valence pour les « opportunités ». « Pour moi, Valence est la meilleure ville du monde pour les expatriés, pour les investissements et les projets. Actuellement, je prépare un dossier pour solliciter une aide pouvant aller jusqu’à 3 millions d’euros. »

Jabi et Sonia (de gauche à droite), deux passants, sur la jetée de La Marina. © Marie-Flamine Lavergne / Reportierra.

Sur la jetée, Jabi et Sonia, un couple de jeunes retraités, se baladent tranquillement. Lui en vélo, elle en roller. Ils habitent à deux kilomètres seulement de la Marina et viennent donc souvent profiter des grands espaces du port et de l’air marin. Ancien docker, Jabi affiche de nombreux tatouages, dont un colibris au cou. Il assène. « Oh, franchement, les changements qui ont eu lieu à La Marina me plaisent. J’en profite bien ! Disons que ça change des docks de l’autre côté ! »